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Salarié inapte : quel devoir de reclassement ?

Publié le par Section Syndicale SUD TELEPERFORMANCE FRANCE

Le devoir de reclassement n'implique ni la mutation d'autres salariés ni la rupture des contrats des sous-traitants.

Cela fait maintenant douze ans qu'a été introduite dans le Code du travail une disposition, l'article L. 122-24-4 du Code du travail, tendant à protéger les salariés devenus inaptes à tenir leur poste, même en dehors de toute faute. Le salarié doit être vu par le médecin du travail à deux reprises, lors d'examens séparés l'un de l'autre par un intervalle de quinze jours, et si le médecin conclut à l'inaptitude du salarié à effectuer son travail, avant d'envisager un licenciement, l'employeur doit chercher par tout moyen à « sauvegarder l'emploi du salarié », comme l'écrivait Sylvie Bourgeot, alors conseillère à la Cour de cassation, dans un article intitulé « Les évolutions du droit de la santé des travailleurs ».

Quand on parle de l'obligation de reclassement consécutive à une inaptitude physique, le mot « contrainte » n'est pas trop fort. L'article L. 122-24-4 impose à l'employeur de proposer au salarié inapte « un autre emploi approprié à ses capacités, compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail et des indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise et aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de toutes mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagements du temps de travail. »

Des délais très courts

Toutes ces recherches doivent se faire dans un laps de temps très limité puisque l'employeur n'a qu'un mois soit pour retrouver un travail à l'intéressé, soit pour le licencier. S'il laisse passer ce délai, il devra payer le salaire sans contrepartie de travail.

La Cour de cassation interprète ce texte de manière à donner le maximum de chances au reclassement : elle exige que les mesures indiquées par le Code du travail soient prises au sein de l'entreprise, tous établissements confondus et, s'il y a lieu, au sein du groupe (Cass. soc., 7 juillet 2004).

En présence d'un avis d'inaptitude, partielle ou totale, l'employeur fera bien d'impliquer le médecin du travail, au besoin en le sollicitant s'il n'a pas été assez explicite (Cass. soc., 7 juillet 2004). Mais cela ne suffit toujours pas : même si celui-ci ne donne aucune piste de reclassement, l'employeur ne peut se retrancher derrière ce silence et doit faire lui-même des propositions en demandant au médecin des conclusions écrites (Cass. soc., 24 avril 2001). On le voit bien, cette obligation va extrêmement loin. C'est presque une mission impossible qui pèse sur les épaules de l'employeur qui doit s'ingénier à reclasser y compris lorsque le médecin a rendu un avis d'inaptitude à tout emploi !

Des salariés exigeants

Pas étonnant, dans un tel contexte, que les salariés se montrent de plus en plus exigeants, comme le prouve l'affaire suivante : Un chauffeur-livreur est déclaré inapte à son poste mais apte, selon l'avis médical, « à un travail sédentaire, type économat ou magasinier à la pharmacie ou entretien des espaces verts ». N'ayant pu trouver d'emploi correspondant à cette définition, l'employeur le licencie.

Le salarié porte l'affaire en justice, se plaignant du peu d'efforts fait par l'employeur pour trouver une solution. Il a, pour sa part, repéré un poste correspondant à son état de santé. Certes, cet emploi est occupé par un de ses collègues mais il suffisait à l'employeur de proposer un échange standard, le collègue se chargeant de la livraison et lui, prenant le travail sédentaire ainsi libéré.

Cette permutation, rétorque l'employeur, a été proposée au collègue en question qui l'a refusée. Notre chauffeur-livreur n'en pense pas moins, estimant que son collègue ne pouvait refuser ce qui n'était qu'un changement des conditions de travail, mais, en admettant qu'on puisse accepter cette excuse, il signale qu'il existait une autre possibilité. En effet, l'entretien des espaces verts était confié à une entreprise extérieure qui y avait affecté une personne. Il était facile à l'employeur de mettre fin à cette sous-traitance pour reclasser un membre de son personnel.

Rappelant que le reclassement « doit être recherché parmi les emplois disponibles dans l'entreprise », la Cour de cassation déclare, comme elle l'avait déjà fait en matière de licenciement économique (Cass. soc., 26 janvier 2000), que le devoir patronal n'allait pas si loin (Cass. soc., 15 novembre 2006, no 05-40.408). Pas question de déshabiller Paul pour habiller Pierre !

Ça valait la peine de le dire !

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