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Guide la modification du contrat de travail : Modifier les fonctions du salarié

Publié le par Section Syndicale SUD TELEPERFORMANCE FRANCE

I - Qu’est ce qu’une modification de fonction du salarié?

   A   l’employeur peut-il modifier unilatéralement les fonctions du salarié ?

  B  Quelles sont les conséquences d’un changement de fonctions modifiant la qualification du salarié ?

       II – La procédure de modification

A   Si votre proposition implique la modification du contrat de travail

-     Existe-t-il une procédure pour effectuer la proposition au salarié ?

-     L’acceptation du salarié doit-elle être écrite ou peut-elle être tacite ?

-     Que faire si le salarié refuse la modification de son contrat de travail ?

-     L’employeur peut-il prendre acte de la démission du salarié qui refuse le changement d’un élément de son contrat de travail ?

-     Quelles sont les obligations en cas de refus de plusieurs salariés d’une modification de leur contrat de travail qui leur avait été proposée pour un motif économique ?

B   Si votre proposition implique un changement des conditions de travail

1° - Le salarié démissionne 

2° - Le salarié cesse son travail sans démissionner

3° - Vous décidez de licencier le salarié pour motif disciplinaire
 

-     Le refus du salarié d’un changement de ses conditions de travail justifie-t-il un licenciement pour faute grave ?

-     Existe-t-il des règles spéciales pour les représentants du personnel ?

Comment modifier la fonction d’un salarié ?

Vous pouvez, dans le cadre de votre pouvoir de direction, apporter unilatéralement des changements dans les conditions de travail de votre salarié. Le refus du changement manifesté par celui-ci constitue une faute. Cependant, vous ne disposez plus de cette possibilité de changement unilatéral si vous souhaitez modifier un élément du contrat de travail. Une modification d’un élément du contrat de travail ne peut se faire qu'avec l'accord du salarié, ce qui suppose de définir ce qu’est une telle modification.

 

Modification du contrat de travail droit au refus du salarié

 

Changement des conditions de travail pouvoir unilatéral de l’employeur

 

 

La question qui se pose dès lors est de savoir ce qui relève de la matière contractuelle et ce qui relève des conditions de travail du salarié. Il n’existe cependant aucune définition légale en la matière. La Cour de cassation a ainsi progressivement élaboré une distinction entre le changement des conditions de travail, que vous pouvez imposer au salarié, et la modification du contrat de travail, qui exige que vous sollicitiez l’accord du salarié (Cass. soc. 10 juillet 1996, Bull. civ. V, n° 541).

Attention ! La notion d’élément du contrat de travail est trompeuse. En droit du travail, ne sont pas seulement considérés comme éléments du contrat de travail les éléments inscrits dans le contrat de travail. Vous ne devez pas seulement tenir compte des clauses écrites dans le contrat. Les juges ont ainsi déterminé quels sont ces éléments qui nécessitent obligatoirement, en cas de modification, l’accord du salarié.

 

I Qu’est ce qu’une modification de fonction du salarié ?

 

A L’employeur peut-il modifier unilatéralement les fonctions du salarié ?

Oui, mais dans une certaine limite. Vous pouvez modifier unilatéralement l’activité de votre salarié tant que cette modification n’a pas de conséquences ni sur sa qualification professionnelle (celle inscrite dans son contrat de travail) ni sur sa rémunération. 

Le seul fait que les tâches données à un salarié soient différentes de celles qu’il effectuait antérieurement ne suffit donc pas à caractériser une modification du contrat de travail (Cass. soc. 10 mai 1999, Bull. civ. V, n° 199).

Si les nouvelles fonctions correspondent à la qualification du salarié, celui-ci ne peut refuser le changement.

En revanche, si les nouvelles fonctions ne correspondent plus à la qualification contractuelle, qu’elles soient inférieures (exemple de la rétrogradation), ou supérieures (promotion), cela revient à modifier le contrat de travail.

Ce sont les juges qui vont constater si le changement de fonction est ou non constitutif d’un changement de la qualification contractuelle du salarié.

            Exemple : vous ne pouvez pas demander à une secrétaire d’effectuer un travail de ménage. De même, le fait de demander à un salarié engagé comme "rippeur" (chargé du chargement et déchargement des camions) de devenir chauffeur a été jugé comme constitutif d'une modification du contrat de travail (Cass. soc. 26 mai 1998, pourvoi 96-40617). De même, l’exécution de tâches différentes ou une transformation des attributions des responsabilités du salarié peuvent entraîner un changement de qualification contractuelle (Cass. soc.26 novembre 1987, pourvoi n°84-45377). Les juges ont par exemple constaté que l'employeur qui avait retiré à son salarié la plupart de ses responsabilités, avait modifié le contrat de travail (Cass. soc. 25 novembre 1998, pourvoi n° 96-44164).

 

B Quelles sont les conséquences d’un changement de fonctions modifiant la qualification du salarié ?

 Il y en a deux principales :

- Le salarié est en droit de refuser ses nouvelles attributions sans que son refus ne soit constitutif d’une faute (voir la partie II).

-Vous ne pouvez pas reprocher au salarié les erreurs qu’il commettrait dans son travail si les tâches qu’il effectuait ne relèvent pas de sa qualification.

Un licenciement pour insuffisance professionnelle serait irrégulier dans ce cas.

De même,  aucune faute ne pourra être reprochée au salarié ayant exécuté sur ordre de son employeur une tâche excédant sa qualification (Cass. soc. 2 février 1999, Bull. civ. V, n° 51).

Attention aux promotions !

Un salarié peut bien sûr  refuser d'exécuter une tâche de qualification très inférieure à ses fonctions. Mais il a aussi le droit de refuser une promotion si celle-ci modifie la rémunération ou la qualification du salarié.

Constitue par exemple une modification du contrat de travail le fait de demander à un salarié engagé en qualité de carrossier peintre d'accéder au poste de responsable d'atelier de peinture (Cass. soc. 16 décembre 1998, Bull. civ. V, n° 557).

 


II – La procédure de modification

La détermination de la nature de votre proposition (modification du contrat de travail ou changement des conditions de travail) est importante car vos droits, ceux du salariés, ainsi que la procédure à mettre en oeuvre ne sont pas les mêmes.

A  Si votre proposition implique la modification du contrat de travail

-         Existe-t-il une procédure pour effectuer la proposition au salarié ?

 La réponse dépend du motif de votre proposition de modification du contrat de travail.

                    Non, si vous souhaitez modifier le contrat de travail pour un motif personnel au salarié. La proposition                      peut être orale ou écrite. Laissez au salarié un délai raisonnable afin qu’il puisse donner sa réponse.  

   Si la proposition de modification du contrat est une sanction (ex. : rétrogradation, une mutation-sanction, etc.), vous devez respecter la procédure du droit disciplinaire : convoquez le salarié à un entretien préalable (afin de discuter avec lui de sa faute et de la sanction que vous envisagez) ; respectez un délai d’un jour franc entre le jour de l’entretien et l’envoi de la lettre de proposition de modification (article  L. 122-41 c. trav.).

N’oubliez pas les éventuelles dispositions de la convention collective applicable à votre entreprise concernant la procédure disciplinaire.

            - Si la proposition de modification du contrat a un motif économique :

 Vous pouvez proposer une modification du contrat de travail pour un motif économique (article L. 321-1 c. trav.) tel que des difficultés économiques, une mutation technologique ou une réorganisation mise en oeuvre pour prévenir des difficultés économiques à venir liées à des évolutions technologiques et leurs conséquences sur l’emploi.

Dans ce cas, vous devez respecter la procédure de l’article L. 321-1-2 c. trav. : vous devez en faire la proposition au salarié par lettre recommandée avec accusé de réception (précisez dans cette lettre les raisons économiques et la nature de la modification proposée).

Vous devez informer le salarié, dans la lettre de notification, qu’il dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de la lettre,  pour faire connaître son refus.

A défaut de réponse du salarié dans le délai d’un mois, le salarié est réputé avoir accepté la modification proposée.

    -   L’acceptation du salarié doit-elle être écrite ou peut-elle être tacite ?

Il n’est pas exigé d’écrit. Si votre proposition a un motif économique, le silence du salarié pendant un mois vaut acceptation de celui-ci (voir ci-dessus, art. L. 321-1-2 c. trav.).

Cependant, les juges exigent l’accord express du salarié. Vous ne pouvez par exemple prouver l’acceptation du salarié par la poursuite du travail aux conditions nouvelles (Cass. soc. 8 octobre 1987, Bull. civ. V, n° 541). De même, une signature apposée par le salarié sur un relevé d’horaires ne suffit pas à prouver son acceptation de la modification de la durée du travail (Cass. soc. 16 février 1999, Bull. civ. V, n° 72).

Bon à savoir ! Il est par conséquent vivement conseillé de requérir l’acceptation écrite, claire et non équivoque, du salarié en lui faisant signer un avenant. Sinon, le risque est que le salarié, opposé à la modification, saisisse le juge pour demander la continuation du contrat aux conditions initiales ou pour faire constater la rupture, par votre faute, du contrat de travail (indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse).

 

 

Attention !  Vous devez requérir l’acceptation du salarié même dans l’hypothèse où vous souhaitez modifier le contrat de travail à titre de sanction disciplinaire. En cas de refus du salarié, selon la Cour de cassation, l’employeur peut prononcer une autre sanction au lieu et place de la sanction refusée (Cass. soc. 16 juin 1998, Bull. civ. V, n° 321) : il s’agira le plus souvent de licencier le salarié (Il s’agira d’un licenciement pour faute. La faute à invoquer dans la lettre de licenciement sera celle qui est à l’origine de la proposition de modification, et non le refus du salarié de la modification).

 

-         Que faire si le salarié refuse la modification de son contrat de travail ?

Le salarié est en droit de refuser une modification de son contrat de travail (Cass. soc. 7 juillet 1998, Bull. civ. V, n° 362).

Surtout ne mettez pas en œuvre la modification « en force ».

            Le salarié pourrait faire constater cette voie de fait par le juge (qui pourrait vous ordonner de rétablir le contrat aux conditions initiales).

            Mais le salarié pourrait aussi saisir les prud’hommes aux fins de prendre acte de la rupture du contrat de travail en raison de la violation par l’employeur de son contrat (Cass. soc 25 juin 2003, Bull. civ. V, n° 209). Vous prenez donc le risque d’avoir à assumer le coût d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse (paiement d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.)

Par conséquent, en cas de refus du salarié d’une modification de son contrat de travail, vous avez deux options :

            -     Soit abandonner votre proposition en ne modifiant pas le contrat de travail;

-         Soit vous devez tirer les conséquences du refus du salarié (Cass. soc. 4 février 1988, Bull. civ. V, n° 96) : c'est-à-dire licencier le salarié.

Attention ! Le refus du salarié opposé à une modification de son contrat de travail ne peut en aucun cas constituer une faute justifiant son licenciement (sinon le licenciement serait sans cause réelle et sérieuse). Le motif du licenciement que vous devrez énoncer dans la lettre de licenciement sera le même que le motif de la proposition de modification du contrat.             Exemple : si vous avez proposé une modification du contrat de travail (une mutation du salarié) en raison d’une réorganisation économique de l’entreprise pour sauvegarder sa compétitivité, le refus du salarié peut donc entraîner son licenciement pour motif économique (la cause que vous devrez énoncer dans la lettre de licenciement sera la réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité).

 

-         L’employeur peut-il prendre acte de la démission du salarié qui refuse le changement d’un élément de son contrat de travail ?

Non, en l’absence de lettre de démission non équivoque du salarié, cela vous est déconseillé. En effet, dans l’hypothèse où vous souhaitez poursuivre la modification du contrat de travail, même si le salarié quitte son travail pour protester contre le changement de son contrat, vous avez l’obligation de mettre en œuvre la procédure de licenciement. Vous ne pouvez pas prendre acte de la démission du salarié.

Exemple : un salarié refuse un changement de ses fonctions de directeur des ventes en directeur de clientèle. La société a pris acte de sa démission sans avoir reçu de lettre de démission. La Cour de cassation a considéré qu’en l’absence de procédure de licenciement, la rupture par l’employeur devait être considérée comme un licenciement irrégulier sans avoir à rechercher si le salarié était ou non en tort de refuser son changement de fonction (Cass. soc. 25 juin 2003, Bull. civ. V, n°  208).

 

- Quelles sont les obligations en cas de refus de plusieurs salariés d’une modification de leur contrat de travail qui leur avait été proposée pour un motif économique ?

Attention ! Si le motif du licenciement est un motif économique, vous devez mettre en œuvre la procédure de licenciement économique.

            En particulier, lorsqu’au moins dix salariés ont refusé la modification d’un élément de leur contrat de travail que vous leur aviez proposé pour un motif économique, vous devez appliquer les règles relatives au licenciement collectif pour motif économique (article L. 321-1-3 c. trav., en vigueur depuis la loi du 18 janvier 2005). Notamment, c’est lorsqu’au moins dix salariés ont fait connaître leur refus de voir leur contrat de travail modifié, que vous devez établir un plan de sauvegarde de l’emploi (art. L. 321-4-1 c. trav.)et procéder à la consultation des représentants du personnels (art. L. 321-2, L. 321-4 c. trav.).

 

 B  Si votre proposition implique un changement des conditions de travail

            -Si le salarié accepte le changement de ses conditions de travail, le même contrat de travail se poursuit, aucun avenant n’est nécessaire.

            - Si le salarié refuse le changement de ses conditions de travail : plusieurs hypothèses sont possibles :

1° - Le salarié démissionne

La démission ne saurait être présumée : elle doit être précise, non univoque (il est conseillé de requérir du salarié qui prétend démissionner une lettre de démission de sa part). Vous ne pouvez donc pas assimiler le refus du salarié au changement de ses conditions de travail à une décision claire et non équivoque de démissionner (Cass. soc. 22 octobre 2003, pourvoi n°01-41451).

2° - Le salarié cesse son travail sans démissionner

Dans ce cas, le salarié commet une faute grave (abandon de poste) justifiant son licenciement. Vous devez mettre en œuvre la procédure de licenciement disciplinaire.

3° - Vous décidez de licencier le salarié pour motif disciplinaire

Dès lors que votre décision de changer les conditions de travail du salarié n’est pas abusive, de mauvaise foi, ou contraire à l’intérêt de l’entreprise, vous avez le droit de sanctionner le refus du salarié en le licenciant pour faute.

-   Le refus du salarié d’un changement de ses conditions de travail justifie-t-il un licenciement pour faute grave ?

Non, pas nécessairement. Dans un premier temps, la Cour de cassation considérait que ce refus constituait nécessairement une faute grave (Cass. soc. 16 juillet 1997, Bull. civ. V, n° 272).

En cas de faute grave, l’intérêt pour l’employeur est qu’il peut mettre fin immédiatement au contrat de travail sans avoir à payer au salarié d’indemnité de préavis ni d’indemnité de licenciement.

Mais la Cour de cassation considère désormais que le refus du salarié ne constitue pas à lui seul une faute grave (Cass. soc. 23 février 2005, Bull. civ. V, n° 64).

            Il est donc aujourd’hui plus difficile d’invoquer la faute grave du salarié : pour cela, vous devez pouvoir prouver que le refus par le salarié du changement de ses conditions de travail rendait impossible son maintien dans l’entreprise pendant la durée du préavis.

Pour apprécier la faute grave : vous devez donc tenir compte d’indices tels que le niveau d’ancienneté du salarié (Cass. soc. 17 octobre 2000 Bull. civ. V, n° 328), le caractère brutal du changement, des éléments de vie personnelle du salarié (charges de famille, etc.) pour savoir s’il convient d’opter pour un licenciement pour faute simple ou pour faute grave. 

Cette jurisprudence nouvelle est donc plus coûteuse pour les employeurs (il sera plus difficile d’échapper au versement des indemnités légales ou conventionnelles de licenciement).

-         Existe-t-il des règles spéciales pour les représentants du personnel ?

Oui, qu’il s’agisse des représentant élus ou des délégués syndicaux, il est interdit de leur imposer, bien sûr une modification de leur contrat de travail, mais aussi un changement de leurs conditions de travail contre leur gré.

            - Vous devez donc requérir obligatoirement l’accord du salarié protégé avant de mettre en œuvre le changement de ses conditions de travail. Cette règle s’applique quelles que soient les dispositions figurant dans son contrat de travail (Cass. soc. 23 septembre 1992, Bull. civ. V, n° 477) ou dans la convention collective applicable à l’entreprise. Vous devez donc impérativement obtenir son consentement écrit.

            - Si le salarié refuse la modification envisagée, vous pouvez abandonner sa mise en œuvre en réintégrant le salarié dans les conditions de travail habituelles.

Mais vous pouvez aussi le licencier après avoir obtenu l’autorisation de l’inspection du travail.

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